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Le renouvellement du parc français de réacteurs nucléaires

Posté le par La rédaction dans Énergie

[Tribune de Hervé Nifenecker, Président fondateur du collectif Sauvons Le Climat]

L’EPR de Flamanville a été présenté par EDF comme une tête de série pour préparer le renouvellement du parc de 58 réacteurs. Le gouvernement semble envisager que le remplacement des réacteurs de Fessenheim par celui de Flamanville se situe, effectivement, dans ce cadre. Il est donc temps de voir comment pourrait se dérouler ce renouvellement.

Il serait difficile de renouveler le parc existant en reproduisant à l’identique, avec un décalage dans le temps, le rythme de construction des réacteurs de génération II,  car il faudrait construire jusqu’à 5 EPR par an.

On fait ici la supposition que tous les REP actuels pourraient avoir une durée de vie de 60 ans. Ceci suppose, bien entendu, que l’ASN accepterait une telle prolongation, à l’image des autorités de sûreté américaines. On compare deux scénarios de renouvellement, le premier s’étalant sur 40 ans (cas A), le deuxième sur 20 ans (cas B). Les rythmes de mise en service des EPR des deux scénarios sont illustrés sur la Figure 1. 

Dans le premier cas les pertes de revenus d’exploitation sont beaucoup plus importantes, par contre, le deuxième cas nécessite qu’EDF recoure de manière importante à l’emprunt. Les pertes d’exploitation sont dues au fait que les coûts annoncés de production des EPR sont supérieurs à ceux constatés pour les REP actuels.

La Cour des Comptes a donné une fourchette de 70 à 90  Euros pour le coût du MWh qui sera produit par l’EPR de Flamanville. Toutefois, on peut espérer que les coûts et les délais de construction des EPR évolueront dans un bon sens, comme cela semble le cas des EPR chinois construits dans les délais et les coûts originels.  Un coût du MWh de 60 €/MWh semble raisonnable. La Cour des Comptes a estimé le coût complet de production du parc actuel à 49 €/MWh. La différence entre les deux estimations serait donc de 11 €/MWh.

Il s’agit là d’une valeur minimale : en effet  le calcul par la Cour des Comptes du coût du parc actuel de 49 €/MWh est fait sur la base d’une durée de vie des réacteurs de 40 ans. Si cette durée de vie est portée à 60 ans comme le recommande la Cour elle-même, ce coût devrait diminuer. On peut estimer cette diminution aux alentours de 4 €/MWh [1]. En ce qui concerne le coût de production de l’EPR on peut envisager une valeur haute de 65 €/MWh.

 

 

Finalement, la perte d’exploitation due à un renouvellement accéléré du parc pourrait se situer entre 11 et 20 €/MWh

La perte d’exploitation dans le cas du scénario A est estimée à  2740 TWh, celle du scénario B de  508 TWh.  La perte d’exploitation du scénario A par rapport au scénario B serait donc de 2232 TWh valorisés entre 24 et 45 G€. 

Le renouvellement complet du parc  existant avec des EPR nécessite un investissement de l’ordre de 195 milliards d’euros [2], soit une moyenne de 5 milliards par an dans le cas A et de 10 milliards par an dans le cas B avec, dans ce deuxième cas, des pointes sensiblement plus élevées. Malgré un résultat brut d’exploitation relativement important (9 milliards en 2011) EDF risque d’éprouver de sérieuses difficultés à lever les fonds nécessaires (fonds propres et emprunts), particulièrement dans le cas B. Difficultés qui risquent de se traduire par un coût de l’argent nettement plus élevé dans le cas B que dans le cas A. Une différence de taux de 3%, pour des emprunts sur 20 ans,  paraît de l’ordre du possible et conduirait à une surcharge financière de 48 G€.

 

Le Tableau 1 récapitule ces évaluations de différence de coût total entre les deux scénarios :

Tab.1 : Récapitulatif des incidences financières possibles des deux scénarios de renouvellement du parc

La solution la moins onéreuse pourrait correspondre à  un renouvellement au rythme d’environ un EPR par an. Ce rythme lent  favoriserait, d’ailleurs, l’optimisation des commandes à l’industrie et serait plus sûr dans le cas ou l’ASN refuserait certains prolongements.

Fig.1 : Cadence de mise en service des EPR dans l’hypothèse d’un renouvellement du parc en 40 ans (cas A) et en 20 ans (cas B). Ces mises en service sont déterminées pour minimiser les pertes d’exploitation et respecter une durée de vie maximale des réacteurs de 60 ans

Par Hervé Nifenecker, Ingénieur et docteur ès sciences et Président fondateur du collectif  Sauvons le Climat, qu’il a créé en 2004.

  • [1] Si on ne tient pas compte de la rémunération du capital nécessaire pour restituer les capacités initiales de financement en fin de vie du parc, le coût de fonctionnement et de prolongation du parc serait, selon la Cour, de l’ordre de 38 €/MWh. La rémunération du capital sur 40 ans correspondrait donc à 11 €/MWh. Si la durée de vie des réacteurs est portée à 60 ans la rémunération du capital serait de l’ordre de 7 €/MWh., soit un coût total du MWh de 45 €/MWh
  • [2] Nous retenons un coût de l’EPR de 5 G€, alors que le coût initial donné par EDF était de 3,5 G€, que l’EPR de Flamanville coûtera 8,5 G€ et que celui des EPR chinois devrait être conforme aux prévisions initiales. 

Cet article se trouve dans le dossier :

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